Ces femmes qui dérangent la France

Elles s’appellent Christiane Taubira, Rachida Dati, Najat vallaud Belkacem, Danielle Obono, Sibeth Ndaye, Jeanette Bougrab, Rama Yade, Audrey Pulvar…. Elles ont fait l’objet d’injures de la part de concitoyens. Ces femmes sont elles discriminées du fait de leur identité ?

Est-ce dire que Femme et noire en politique c’est la double peine assurée ? C’est un fait, le sexisme opère indépendamment et simultanément d’avec le racisme. Néanmoins, le racisme n’est pas la seule force oppressive qui régit les rapports humains.

A la socialisation sexiste-raciste s’ajoute donc de fait, la question du pouvoir. Occuper un poste régalien en France, a valu à ces femmes noires ou d’origine maghrébine d’être mises en pâture et d’être la source d’alimentation première des injures et débats xénophobes.

Aujourd’hui, la cible s’appelle Sibeth Ndiaye. Inutile de présenter cette jeune femme puisque depuis l’élection du Président Emmanuel Macron, elle fait l’objet d’attaques incessantes et déplacées. Au départ, on lui reproche d’adopter une tenue vestimentaire trop jeune, trop décontractée alors que finalement, elle est vêtue comme nombre de femmes citadines de son âge, mère de famille jonglant entre vie professionnelle et familiale. Tout récemment, on l’a affublée de maux plus graves : elle aurait envoyé un SMS à un journaliste pour confirmer le décès d’une personnalité en utilisant un vocabulaire peu châtié.

Comme elle est noire, on juge qu’elle est tout à fait capable d’avoir écrit : « la meuf est dead ». Ces raccourcis font peur. Quand on connaît le parcours et l’intelligence de cette jeune femme, on ne peut qu’être choqué de constater que jamais une femme noire ou d’origine maghrébine ne pourra accéder à un poste important sans subir les frasques extravagantes d’une frange de la population animée par l’animosité et un sentiment d’hostilité exacerbé à l’égard de celle qui est différente.

On note que le pouvoir, la diversité et la différence gênent beaucoup moins dans les domaines du sport ou de la culture. Mais lorsqu’il s’agit d’élites, de personnes qui ont un rôle décisif dans la vie politique du pays, cela pose un réel problème. Le pouvoir, lorsqu’il est accordé à une femme noire ou d’origine maghrébine est un problème récurrent pour les français. Il suffit de voir ce qu’ont enduré ces femmes.

Qu’elles soient journalistes, femmes politiques, ministres ou secrétaires d’état, responsables de la communication, elles ont toutes à un moment de leur vie été prises pour cibles. Cibles car visibles mais pas seulement. Car, occuper un poste régalien en France, a valu à ces femmes noires ou d’origine maghrébine d’être critiquées largement, humiliées, discréditées ou rabaissées. Malgré leurs compétences, leur professionnalisme et leur expérience, leurs vies sont passées au peigne fin. Rien ne leur est épargné. Le monde politique actuel n’est pas le modèle colonial et ségrégationniste duquel les minorités ethniques sont exclues des lieux de pouvoir mais les femmes de couleurs sont loin d’y être représentées. Au plus haut niveau, peu de femmes de couleurs ont occupé des postes régaliens.

On remarque d’ailleurs que dans le gouvernement actuel, il y a plus de secrétaires d’Etat que de ministres chez les personnes issues de la diversité. Les secrétaires d’Etat ne gèrent pas de budget propre et ne peuvent pas signer de décrets, contrairement aux ministres.Ce que subissent ces femmes n’est pas anodin et les exemples ne manquent pas. Jeannette Bougrab qui fut Présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, en 2010 et secrétaire d’ État à la Jeunesse et à la Vie associative avait été victime de propos racistes en fait pleine réunion.

Elle avait quitté précipitamment la réunion UMP, à Besançon, après les propos d’un militant qui a lancé: « Y’en a marre des bougnoules ».  « Je suis descendante de harkis, toute ma famille s’est battue pour la France, je ne peux pas accepter ces propos », avait rétorqué Jeannette Bougrab. On garde en mémoire les insultes qui ont visé Madame Taubira garde des sceaux : « la guenon mange la banane!  » A-S Leclère, candidate FN aux élections municipales à Rethel dans les Ardennes, a assumé le partage sur sa page Facebook d’un montage représentant Christianne Taubira près d’un singe avec les légendes : « à 18 mois » et « maintenant »… La candidate FN s’est justifiée ainsi : « C’est plus par rapport à une ‘sauvage’ que je l’ai fait, pas parce qu’elle est noire […] À la limite, je préfère la voir dans un arbre [accrochée] après les branches que la voir au gouvernement. »

On se souvient également de cette phrase prononcée par le secrétaire général adjoint de l’UMP, Geoffroy Didier, également chef de file de la Droite forte à propos de Rachida Dati : « Cette jeune fille aurait dû voler des mobylettes dans la banlieue de Chalon (sa ville d’origine). » Rachida Dati avait alors vivement réagi en déclarant que « ce qu’a dit Geoffroy Didier, c’est du racisme, c’est une infraction pénale ». Plus récemment, La France insoumise dénonçait le racisme ambiant à l’encontre de Danielle Obono. Bref, ces femmes dont la visibilité est disruptive, dérangent l’ordre établi, sèment un trouble qui engendre la république et ses citoyens car elles ont un certain pouvoir entre les mains. La France se retrouve déstabilisée par la composition hétérogène d’une élite expressive teintée.



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