Les grands voisins, un laboratoire de l’innovation urbaine en plein Paris : utopie urbaine ou éco-quartier ?

Le site des grands voisins de 3,5 hectares est destiné à disparaître en 2018 pour laisser la place à un écoquartier avec 600 logements. Il accueille depuis 2015 un écosystème expérimental. Les grands voisins vivent une difficile période de changements. Et, l’expérimentation de ce modèle d’espace commun, logé dans les friches urbaines de l’ancienne structure hospitalière de Saint Vincent de Paul n’a laissé personne indifferent. 400 000 bébés sont nés dans cet hopital. La maternité, la salle de garde, le bloc opératoire se sont mués en galeries, troc shop, centres d’hébergement, marché zéro déchet. On compte plus de 2500 personnes qui vivent ou travaillent sur le site.

Quel avenir pour les 253 structures qui oeuvrent in situ ? Depuis 2014, l’espace est partagé entre des start-up, des associations, des travailleurs, des résidents, des artistes…. Leur objectif est de favoriser l’échange et l’entraide dans un quartier aux ambitions environnementales zéro carbone, zéro déchets, au sein duquel les usagers seraient placés au cœur de la conception et de la gestion du site. Cet élan d’humanité au sein de la ville, a inscrit le lieu dans une dimension d’eco-quartier vouée au partage et au vivre ensemble autrement. Mais voilà, dans quelques jours, en décembre, le grand déménagement va avoir lieu.

Le chapitre 2 du site va démarrer officiellement le premier avril 2018. Mais de nombreux occupants, associations, entreprises, habitants … ont d’ors et déjà été sommés de quitter les lieux. Les espaces utilisés pour cette seconde étape du projet comptent 9 000 m² bâtis et 3 000 m² d’espaces extérieurs, contre respectivement 22 000 m² et 15 000 m² sur la période antérieure, c’est à dire entre 2016-2017. La période de transition verra de nombreux changements s’opérer ça et là :

— Les hébergements d’Aurore : le projet prévoit 190 places, contre 300 aujourd’hui. Parmi les 190 personnes hébergées, les services Cœur de Femmes, Albert 1er et Pangea déjà installés sur site restent jusqu’à 2020. Les hébergements Pierre Petit et Horizon quitteront les lieux pour déménager en région parisienne en mars prochain.

— Les 200 structures installées sur le site, artisans, associations, start-ups se voient demander de préparer leur déménagement, avant la fin 2017. Un nouvel appel à candidatures est lancé pour occuper les 3 500 m² disponibles sur la période d’avril 2018 à juin 2020. Mais les occupants de la première phase doivent à nouveau répondre à cet appel. Il n’y aura pas de reconduction automatique.

— La Lingerie et les espaces extérieurs seront repensés pour avril 2018.

Une programmation transitoire sera mise en place pendant la période de modifications.

Actuellement, on démonte les structures de Yes We Camp, le restaurant Les Comptoirs, le Camping, le cinéma, les Ateliers partagés. Le paysage change terriblement.

Cette période de transition n’est pas bien vécue par certains résidents et notamment des entreprises pour lesquelles aucun plan B n’a été trouvé. Leur légitimité trouve son existence sur le lieu même. Partir c’est mettre la clé sous la porte. L’hiver s’installe et le site prend des allures de ….. Pour Jean-Baptiste Roussat, directeur général délégué de la coopérative Plateau Urbain, l’espace

« sera réaménagé, dans le cadre d’un projet urbain, en éco quartier avec 600 logements et 6 000 m2 d’activités….Le projet va pouvoir se décliner ailleurs car on a acquis la confiance des institutions et du public. On a déjà des pistes dans le reste de la ville, mais on continue les recherches. » Ce modèle économique, solidaire et de partage doit donc s’expatrier, investir d’autres lieux.

Il explique que « le lieu a un rôle d’incubateur. Les organismes que nous hébergeons iront pour certains vers des locaux pérennes, tandis que d’autres se mettront en colocation avec des structures rencontrées ici ».

Mais louer un espace relève de l’ inaccessible pour ces entrepreneurs pour qui payer un loyer et des charges fixes est impossible en l’état actuel des choses. La Ville de Paris, la Mairie du 14e et l’aménageur Paris Batignolles Aménagement ont signé pour 26 mois de plus. C’est certainement une nouvelle réjouissante mais comment gérer la phase de transition ? L’association créée par Benoit Delol, Mon premier bureau, est un espace de coworking.

Mon premier bureau est le premier espace de coworking solidaire de Paris. Il propose aux créateurs d’entreprise un poste de travail dans un bureau ou un atelier en échange d’une participation aux frais modique. Lundi soir, au conseil du XIVe arrondissement, Benoit Delol a attiré l’attention sur l’expulsion programmée de son association, en se mettant à nu, devant une assemblée dont faisait partie la maire PS, Carine Petit. Sur sa pancarte, on pouvait lire « Non à l’expulsion de mon 1er bureau ». Nul doute que le happening de Benoit Delol à la Mairie, aura eu un impact visuel sans précédent : les élus parfois gênés, baissaient les yeux. D’autant que cette association de coworking solidaire a toujours été saluée par les élus et par la presse. Mon premier bureau accueille des personnes en fin de droit, des chômeurs, des personnes précaires qui souhaitent monter leur entreprise. Mais les gestionnaires du site ont décidé du déménagement de l’association et les coworkers vont se retrouver à la rue.



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