Pourquoi les femmes tirent – elles la langue ?

Par Nessy Politano.
Un ami a posé cette question et d’emblée, je me suis imaginée envahie par des espèces reptiliennes tirant la langue à tout bout de champ. Une semaine plus tard, j’ai été plus attentive et j’ai observé des langues plus souvent à l’extérieur qu’à l’intérieur des bouches : Les filles sur leur photo de profil de réseaux sociaux ou des photos de stars telles que Miley #Cyrus et #Rihanna. J’ai même vu la vidéo dans laquelle Miley Cyrus donne un cours de langue à Antoine de Caunes dans Le Grand Journal sur Canal +. Elle ne lui apprend pas à parler anglais mais véritablement à tirer la langue. Alors, j’ai commencé à me poser la question à moi-même : « Pourquoi tirent-elles la langue » ?
La langue, cet organe musculaire charnu n’est pourtant pas ce que l’on peut qualifier de plus beau au niveau anatomique. Pourtant on aime y rajouter un bijou. On se perce la langue et évidemment au moment de la photo, on ne sourit pas mais on sort la langue pour le montrer. La langue aurait-elle donc un intérêt particulier et significatif qui m’aurait échappée ?
Je tire souvent la langue quand j’écris dans une volonté de m’appliquer. C’est un geste qui symbolise la concentration. D’ailleurs, dans l’expression « tirer la langue », on entend par là une certaine souffrance dans l’effort. La femme voudrait-elle exprimer tout le poids des souffrances inhérentes à sa vie de femme? La maternité, sa sensibilité et fragilité … Voudrait-elle révéler par ce geste ce constant effort qu’elle effectue durant toute son existence ?
Certains y verront un retour à l’enfance. La petite fille malicieuse qui tire la langue à ses copines loin du regard de ses parents. Tirer la langue ou faire un pied de nez dans la cour de récréation, ça n’a rien de très surprenant. Cela appartient incontestablement au monde de l’enfance. Les jeunes filles poseraient alors devant l’objectif, la langue tirée, afin de se donner un petit air de fillette innocemment mutine.
Autant, aller porter des couches et se mettre une tétine dans la bouche. Le résultat serait sans doute plus probant. Oui, parce que je vous rappelle qu’enfants ils tirent la langue et qu’adulte, ça devient un doigt d’honneur… Dans les cultures occidentales, ce majeur tendu en signe d’hostilité est perçu habituellement comme une évocation visuelle d’une pénétration sexuelle.
C’est une démonstration majeure d’agressivité, ce même geste qui est appelé digitus impudicus, « doigt insolent » dans des textes de la Rome antique. Tirer la langue en reviendrait donc à revendiquer une certaine rébellion. C’est un geste contestataire qui tend à avertir : « Fais gaffe, je suis une femme dangereuse! »
Est-ce un mensonge ? N’y-a-t’il pas plus redoutable que la langue d’une femme ? Elle creuse des tombes, elle détruit des réputations, elle se plait à s’épuiser en s’intéressant à la vie d’autrui. La langue qu’elle tire c’est un peu comme une arme qu’elle brandirait. Arme ravageuse, calomnieuse, on ne peut que la considérer comme un danger.

Et si je convoquais Freud à notre table, il y verrait sans doute une signification sexuelle qui émergerait de l’inconscient. Il faut déjà voir la façon dont il a interprété le « lapsus linguae», l’erreur commise en parlant, alors que l’on voulait exprimer autre chose au départ. Selon lui, le lapsus est le symptôme important de l’émergence de désirs inconscients. Mais cette langue qui sort sans cesse et qui n’est pas sans rappeler aussi un organe sexuel, que veut-elle exprimer ? N’y-aurait il pas là un désir conscient ou inconscient de se sexualiser davantage ?

J’ai même envie d’aller plus loin en y voyant une volonté de prendre le pouvoir, celui du phallus. « J’ai la même puissance que l’homme ». C’est encore une théorie freudienne qui consiste à déterminer le phallus comme étant ce que chacun cherche en l’autre dans l’amour.
Le petit garçon se définirait par ce qu’il possède ; un pénis, la petite fille se définirait par ce qu’elle voit chez le garçon et dont elle est dépourvue. Le garçon plonge alors dans l’angoisse de la castration et la fille dans l’envie du pénis. Que reste-t-il à une femme qui n’a pas de phallus ? Une langue. Une langue qui pénètre, qui atteint, qui assassine avec une volonté de se métaphoriser comme phallique.
Alors, je sais déjà que si mon ami revenait à me poser la question « Pourquoi les femmes tirent-elles la langue? » et que je lui exposais toutes ces théories, il penserait (comme vous le pensez sans doute) que tout est tiré par les cheveux. On sait déjà ce que cela donne un cheveu sur la langue. D’ailleurs, en réponse, je n’aurais plus qu’à lui tirer la langue afin de lui montrer ma toute-puissance phallocratique, mon artillerie de femme puissante. Au lieu de cela, je préfère choisir l’option de lui donner une toute autre réponse « Ecoute, je ne sais pas pourquoi elles tirent la langue, je donne ma langue au chat ! »

Nessy Politano



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